CONSULTATION DU PUBLIC : INCINERATEUR
Conspiration du silence ?
Etrange est la présente « consultation du public » . La préfecture peut-elle prétendre qu’elle « consulte le public » alors qu’elle ne donne aucune publicité à ladite consultation ? Une enquête publique est toujours annoncée dans divers organes de presse. Ce n’est pas le cas de la présente consultation sur l’incinérateur biterrois. Pour comble, le quotidien Midi Libre, sollicité par nos soins, a jusqu’au 12 janvier négligé d’informer ses lecteurs qu’ils sont « consultés » par la préfecture sur un problème qui concerne leur santé. Est-ce une conspiration du silence pour éviter que la population soit alertée et donne son avis sur l’incinération des déchets ?
La directive-cadre européenne N° 2008/98/C.E.
Rappelons que cette directive, apparemment inconnue de la préfecture et de la MRAE (Mission régionale d’autorité environnementale), classe les divers traitements de déchets par ordre de préférence. Cette directive préconise la prévention, le réemploi et le recyclage. Elle déconseille incinération et mise en décharge. Une T.G.A.P. (taxe générale sur les activités polluantes) est prélevée par le fisc sur incinérateurs et décharges. L’Etat reconnaît ainsi officiellement que ces 2 pratiques sont polluantes. La fonction de la T.G.A.P. est de s’alourdir au fil des ans jusqu’à devenir financièrement insupportable afin d’abolir progressivement ces 2 mauvaises pratiques.
La préfecture de l’Hérault, sans choquer la MRAe, autorise à Béziers un incinérateur de boues et de graisses au mépris de la directive-cadre ci-dessus. Et au mépris de beaucoup d’autres dispositions du droit français comme nous allons le voir.
Réchauffement climatique.
Brûler un combustible quelconque ce n’est rien d’autre que l’oxyder. Dans un incinérateur, le carbone des déchets se combine à l’oxygène de l’air pour donner du C02. Brûler à Béziers 15.000 tonnes/an de boues et de graisses (déchets très riches en carbone) issus du traitement des eaux usées, c’est produire annuellement des milliers de tonnes de CO2, principal gaz à effet de serre. Un crime contre le climat.
L’agglo prétend que déshydrater les boues biterroises à Agde ou les faire composter plus loin encore produit plus de CO2 que le traitement sur place par incinération. Peut-être mais pourquoi ne pas valoriser ces boues en les compostant à Béziers ? Le compostage est techniquement si facile et financièrement si bon marché que beaucoup de ménages compostent à domicile sans aucune dépense et sans difficulté tous leurs déchets fermentescibles. Les boues et graisses biterroises actuellement incinérées pourraient donc être compostées à Béziers. L’agglo dispose à cet effet d’une plate-forme de compostage qui jouxte l’usine VALORBI et qui est disponible depuis que l’agglo a renoncé à y faire du compost.
L’incinération augmente les transports routiers
Préfecture et MRAe ne semblent pas conscientes des dégâts provoqués par le transport routier :
1- La dégradation qu’un véhicule cause aux routes est égale à la quatrième puissance de la charge à l’essieu, ce qui signifie qu’un camion endommage la chaussée des milliers de fois plus qu’une automobile de tourisme.
2- Le camionnage, par ses hydrocarbures, ses gaz d’échappement et ses particules fines, pollue l’air mais aussi le sol et l’ eau.
3- Le transport routier blesse ou tue d’innombrables personnes.
Les déchets constituent le tiers des matériaux transportés en France (Rapport ADEME été 1997). C’est sans doute pourquoi la loi du 13/07/92 se donne pour second objectif de « limiter les transports de déchets en distance et en volume ».
Or pour rentabiliser le gros équipement onéreux qu’est l’incinérateur biterrois, on y brûle non seulement les boues et graisses de Béziers mais aussi celles de 16 autres communes qu’il faut aller chercher au loin et transporter jusqu’à Béziers. De plus l’incinérateur ne peut fonctionner sans se faire livrer de très loin les réactifs (bicarbonate, charbon actif, « urée » et chaux) qui lui sont nécessaires. Il faut aussi pendant les longs « arrêts froids » de l’usine transporter (jusqu’où?) les boues qu’on additionne de chaux faute de pouvoir les brûler. Les REFIB (résidus d’épuration des fumées) sont enfouis à Bellegarde (Gard). Quant aux cendres, si elles sont actuellement enfouies elles aussi à Bellegarde, on les a pendant une longue période transportées en Allemagne avec l’espoir de les valoriser dans la fabrication d’un mortier « souple ».
En conclusion, par rapport à la déshydratation sur place et au compostage dans la commune de Béziers puis à l’épandage local (notamment sur les espaces verts municipaux) l’incinération allonge et multiplie considérablement les transports routiers au mépris de la loi.
Epuisement des ressources naturelles
Les concepts de développement durable et d’économie circulaire font désormais partie du droit français. Ces concepts exigent tous deux le recyclage intégral de tous nos déchets et excluent l’incinération qui transforme des matières premières de plus en plus rares et précieuses en fumées définitivement inutilisables. L’incinération contribue cyniquement à l’épuisement des ressources naturelles. La MRAe ne relève pas cette atteinte à l’environnement.
L’incinération multiplie la quantité des déchets.
Sans oxygène aucun feu n’est possible car une combustion n’est rien d’autre qu’une oxydation c-à-d une réaction chimique au cours de laquelle un combustible quelconque se combine avec de l’oxygène pour former des oxydes. Le carbone contenu dans les déchets, en brûlant, devient de l’oxyde de carbone (CO2) le soufre devient oxyde de soufre (SOx) l’azote devient oxyde d’azote (NOx) etc. La cendre est la partie du combustible qui n’a pu s’oxyder. Certains matériaux (ferraille, cailloux, verre…) rebelles à l’oxydation par le feu, sortent de l’incinérateur sans avoir été altérés.
Un incinérateur, pour consommer de l’oxygène, est obligé d’employer une grande quantité d’air. L’atmosphère ne contient en effet que 21% d’oxygène. Le reste est presque uniquement de l’azote. En d’autres termes l’atmosphère terrestre contient environ un cinquième d’oxygène et quatre cinquièmes d’azote. Pour brûler (c-à-d pour oxyder ) entièrement une tonne de déchets ménagers (ou de boues et graisses d’assainissement ) il faut donc arithmétiquement 4 à 5 tonnes d’air. Mais un incinérateur qui n’emploierait que cette quantité d’air produirait beaucoup d’imbrûlés. En effet l’azote atmosphérique, au lieu de rester en dehors de la combustion, s’oxyde lui aussi, diminuant de ce fait la quantité d’oxygène disponible pour les déchets. Cette oxydation de l’azote atmosphérique s’observe dans toutes les combustions. Par exemple l’essence des moteurs d’ autos et de camions est un hydrocarbure (mélange d’hydrogène et de carbone) qui ne contient aucun azote. Et pourtant, les gaz d’échappement de ces véhicules contiennent du dioxyde d’azote (N02). C’est pourquoi les incinérateurs de déchets fonctionnent toujours avec un excès d’air d’environ 80 % par rapport à la théorie. La réglementation va même plus loin : pour calculer les taux de polluants dans les fumées d’incinération, elle se fonde sur un excès d’air de 110 %.
En pratique, un incinérateur, pour brûler une tonne de déchets, consomme environ 6 tonnes d’air. Cet air se pollue au cours de la combustion et sort par la cheminée sous forme de fumée toxique. C’ est le principal déchet de l’incinération. Puisqu’une tonne de déchets produit environ 6 tonnes de fumée, l’incinération, loin de réduire la quantité des déchets, la multiplie par 6. Mais ce n’est pas tout :
La réglementation exige que les fumées, en raison de leur toxicité, soient traitées avant d’être évacuées par la cheminée. Pour ce traitement on utilise divers réactifs. Ainsi l’incinérateur biterrois de boues et graisses utilise bicarbonate, charbon actif et ammoniac en grosses quantités.
Tous ces réactifs incorporent les polluants qu’ils retirent des fumées, deviennent donc déchets toxiques et s’ajoutent aux fumées. Au total un incinérateur, pour brûler une tonne de déchets, produit environ 7 tonnes de déchets. Or les lois sur les déchets se donnent toutes pour premier objectif de prévenir, d’éviter, de réduire la production de déchets. Parce qu’elle va à l’encontre de cet objectif légal l’incinération devrait être purement et simplement interdite.
L’incinération aggrave la toxicité des déchets
A partir de déchets peu ou pas toxiques, l’incinération génère d’innombrables polluants qui contaminent l’air, le sol et les eaux. La combustion est en effet une réaction chimique au cours de laquelle des molécules se décomposent pour former d’autres molécules, différentes des premières. Les boues et graisses d’assainissement contiennent des substances très diverses et leur recombinaison au hasard dans un incinérateur donne naissance à des composés chimiques très divers. Beaucoup d’entre eux sont très toxiques, comme les organochlorés et, parmi eux, les furanes et dioxines. Les dioxines sont de redoutables dérégulateurs de l’organisme. Très solubles dans les matières grasses (viande, lait, etc), chimiquement très stables et nocives même à faible dose, elles s’accumulent dans la chaîne alimentaire au sommet de laquelle se trouve l’homme. L’incinération de déchets est la principale source des dioxines qui empoisonnent notre environnement.
L’incinérateur biterrois de boues et graisses se contente pour toute dépollution, de filtrer les poussières et les dioxines, de désacidifier les fumées et de désodoriser les rejets gazeux. En quoi cela empêche-t-il l’émission de gaz toxiques dans l’environnement? Comment empêcher la formation de molécules nocives très variées pendant la phase de refroidissement et de condensation des gaz APRES le traitement ? Or l’arrêté préfectoral autorisant l’incinérateur biterrois ignore complètement ces recombinaisons comme il ferme les yeux sur les effets cocktails susceptibles de se produire dans la cheminée et après expulsion dans l’atmosphère.
Sur les innombrables molécules recensées dans les fumées d’incinérateurs, une douzaine seulement est soumise à des limites d’émission et à des contrôles réglementaires.
En outre la composition chimique des boues et graisses d’assainissement n’est pas analysée avant incinération. Leur combustion équivaut donc à brûler une matière inconnue. On déclenche ainsi des réactions chimiques inattendues et incontrôlables. Les pires polluants peuvent ainsi se former et s’échapper de l’usine. L’incinérateur (aujourd’hui démoli) de Lamalou, près de Béziers et celui de Toulouse Le Mirail, à la suite de réactions chimiques imprévisibles, ont plusieurs fois explosé. Si l’incinérateur biterrois explose, c’est toute la station d’épuration voisine qui sera endommagée ou détruite. Or on vient d’y investir plus de 27 millions d’euros HT. Et pendant les travaux de reconstruction de la station d’épuration il faudra jeter à l’Orb ( unique ressource en eau potable de nombreuses communes ) sans épuration le contenu des égouts. . C’est irresponsable.
La très grande majorité des boues d’assainissement dans le département de l’Hérault et ailleurs sont épandues, avec autorisation préfectorale, sur des terres cultivées. Dans un passé récent, les boues et graisses de la station d’épuration biterroise ont été elles aussi épandues comme matière fertilisante. C’est la reconnaissance officielle qu’elles sont peu dangereuses. Mais au cours de l’ incinération ces boues et graisses produisent des REFIB (résidus d’épuration des fumées) si toxiques qu’on est contraint de les enfouir dans une décharge pour déchets industriels spéciaux c-à-d les déchets les plus dangereux de l’industrie. On reconnaît ainsi officiellement que l’incinération fabrique des déchets très dangereux qui n’existaient pas dans les boues et graisses avant l’incinération.
Tout cela est parfaitement incompatible avec le droit en vigueur qui se donne pour premier objectif de prévenir ou réduire la quantité et la nocivité des déchets. Parce qu’ils aggravent cette nocivité, les incinérateurs devraient être interdits.
On nous objectera peut-être que nos observations ci-dessus sont purement spéculatives. Pour convaincre même les plus incrédules notre association a demandé plusieurs fois pendant les réunions de la commissions de suivi de site et par courriers postaux adressés à la communauté d’agglomération qu’un laboratoire indépendant soit chargé de dresser la liste complète des molécules contenues dans les fumées de l’incinérateur biterrois. Cette demande n’a été acceptée ni par la préfecture ni par la communauté d’agglomération. Puisqu’elles ne veulent pas savoir ce que contiennent les fumées de l’incinérateur, comment la préfecture et l’agglo peuvent-elles prétendre que ces fumées sont inoffensives ? La loi sur l’air du 30/12/96 dans son article premier reconnaît à chacun le droit de respirer un air qui ne nuise pas à sa santé. La population biterroise a donc le droit de savoir quel air l’incinérateur lui fait respirer. Mais ce droit ne lui est reconnu ni par l’exploitant de l’incinérateur ni par la préfecture. La MRAe n’en est pas choquée.
Si on ne les brûle pas, que faire des boues et graisses biterroises ?
Riche en excréments et en urine, le contenu des égouts, comme le fumier des étables, a vocation à fertiliser les sols cultivés. Encore faut-il que ce fertilisant ne contienne rien de polluant pour les sols et les cultures.
L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse a publié un rapport intitulé « Qualité des boues recyclées des stations d’épuration urbaines : évolution de 2000 à 2014 ». Dans ce rapport on lit que :
1- Au sortir des stations d’épuration les boues sont le plus souvent valorisées comme fertilisant sur des sols cultivés .
2- 98,5% des STEP (stations d’épuration) ont produit, en continu, des boues de qualité conforme à l’arrêté du 08/01/98.
3- 70% des collectivités ont produit …des boues de qualité suffisante …pour fabriquer du compost normé, soit d’une qualité 3 à 8 fois supérieure à l’arrêté de 1998.
Remarque de notre association : pourquoi Béziers et sa STEP font-elles partie de la petite minorité qui produit des boues de mauvaise qualité ?
4- Entre 2.000 et 2.014 la quantité des polluants métalliques dans les boues de la zone Rhône Méditerranée Corse a beaucoup reculé : cadmium – 10%, chrome – 22%, plomb – 44, 7 %, mercure – 48%, etc.
Remarque de notre association : L’agglo assure qu’elle a renoncé à épandre les boues biterroises comme fertilisant à cause des 5 polluants qu’elles contiennent (arsenic, cadmium, plomb, nickel et mercure). Ce ne sont pas les habitations qui jettent arsenic et métaux lourds à l’égout. Seules certaines entreprises produisent ce genre de déchets. Pourquoi l’agglo Béziers Méditerranée, légalement chargée de la police des égouts, ne met-elle pas fin au déversement par ces entreprises de ces polluants dans le réseau d’égout ?
Nous avons découvert au contraire que l’agglo, par arrêtés et par conventions, autorise de nombreux industriels à jeter à l’égout leurs déchets liquides. Même GAZECHIM, usine chimique sise dans la zone industrielle du Capiscol et classée Seveso seuil haut (donc officiellement très dangereuse), et même l’usine Metallic Sud Industrie (également installée au Capiscol) qui utilise des métaux lourds et en rejette dans ses déchets, ont obtenu des autorisations de déversement à l’égout. Et cela alors que les entreprises n’ont pas le droit d’utiliser le réseau d’égout et doivent légalement traiter elles-mêmes les résidus (qu’ils soient solides, liquides ou gazeux) de leur activité industrielle.
Ainsi, parce que l’agglo permet à des industriels de polluer les égouts, les boues et l’Orb nous devrions accepter qu’en brûlant les boues l’agglo pollue aussi l’air que nous respirons tous?
Le rapport de l’agence de l’eau conclut que les boues recyclées dans la zone Rhône Méditerranée Corse « sont d’une qualité très satisfaisante et continuent à s’améliorer ». C’est pourquoi entre 2009 et 2014 la part des boues utilisées pour la fertilisation agricole est passée de 56% à 63%. Pour progresser dans cette voie, l’agence de l’eau recommande de renforcer les investigations sur l’origine des pollutions observées dans les égouts et invite à orienter ces investigations vers les activités industrielles. Qu’attend l’agglo pour suivre ce conseil si salutaire?
Un enjeu gravissime : l’eau potable
La station d’épuration biterroise chargée d’épurer le contenu des égouts est une installation biotechnologique qui utilise des microbes. Ces microbes dévorent et éliminent ainsi les polluants organiques qui sont pour eux des aliments mais n’ont aucun appétit pour les métaux lourds et autres polluants minéraux d’origine industrielle. Ceux-ci traversent donc les installations et passent dans les boues ou dans les eaux « épurées » déversées dans le fleuve Orb. Or ce cours d’eau est la seule ressource en eau potable de Béziers et de nombreuses autres communes . Autoriser des déversements industriels à l’égout c’est polluer le cours d’eau qui alimente nos robinets. Un crime contre la santé publique.
L’iceberg des déchets
On devrait jeter à l’égout uniquement ce que les stations d’épuration sont capables de traiter. Le tout à l’égout est donc dépassé. Le tri sélectif a été généralisé pour les ordures ménagères mais pas pour les rejets à l’égout. Or ces rejets sont beaucoup plus massifs que les ordures ménagères. Dans l’iceberg des déchets nous ne voyons que la partie émergée (les poubelles) et ne voulons pas voir la partie immergée (les égouts). Il faut sortir de ce périlleux aveuglement.
Robert CLAVIJO
comité biterrois du MNLE (Mouvement national de lutte pour l’environnement)